« Je me promène du matin au soir en véritable campagnard et je fais ici de fort belles choses en dehors. »
S’inspirant directement de La théorie et la pratique du jardinage de Dezallier d’Argenville (1709) qu’il achète en 1722, Montesquieu crée d’abord un jardin régulier avec parterre et bosquet, dont on peut constater l’importance qu’il avait pour lui à travers la correspondance qu’il entretenait avec le maréchal de Berwick.
Différents plans du parc ayant été découverts à la fin des années 2000, il a été possible de retrouver les jeux de perspectives voulus par Montesquieu et ainsi de restaurer en 2014 le grand « tapis vert », le bosquet et la charmille, c’est-à-dire les allées de promenades, composées de charmes, qui s’entrecroisent en plusieurs points avec des petits carrefours qui se succèdent pour constituer un dessin en étoile double, avec en son centre un octogone.
Quand il revient d’Angleterre, Montesquieu conçoit autrement son domaine. Il écrit à l’abbé Guasco en août 1744 pour lui parler de son château et de ses « dehors charmants, dont [il a] pris l’idée en Angleterre ». Si le jardin régulier demeure, le jardin anglais se déploie dans le reste du parc. La régularité a fait son temps : place au paysage qu’offre une nature où le regard peut vagabonder librement, la campagne apparaissant comme un prolongement du jardin.
Les travaux que Montesquieu a entrepris ont deux raisons. Les premières sont pratiques : il réalise de grands travaux d’irrigation et d’assainissement des alentours du château afin d’améliorer la culture des terres ; cela consiste principalement en creusement de fossés et de rigoles pour assécher les prairies autour du château. Mais les aménagements du parc ont aussi des raisons esthétiques : il entend renouveler ce qui n’est plus seulement un cadre, ni même un écrin pour le château, mais un espace à part entière, conçu pour lui-même.
« Cette conception paysagère » est décrite par François-de-Paule Latapie, fils de l’homme de confiance de Montesquieu et lui-même proche de son fils Jean-Baptiste, dans sa notice consacrée à La Brède en 1784 qui en présente tous les aspects : « Au bout du jardin, on trouve les promenades qui consistent en un grand nombre d’allées de charmes fort longues, se coupant en tous sens, et formant des berceaux majestueux. Elles se réunissent à une salle principale, de figure octogone. Un petit ruisseau, dont on pourrait tirer grand parti, traverse ce bois. Cet embellissement est aussi l’ouvrage de monsieur de Montesquieu et date d’une soixantaine d’années […] Vers le couchant et le nord, il y a d’autres allées fort belles surtout celle qui conduit à Martillac ; cet ensemble présente un autre bois superbe, aussi arrosé par des courants d’eau. Tous ces bois environnent le château, se continuent autour des prairies, et vont se réunir à la charmille ; de sorte que l’horizon du château est entièrement couronné d’arbres, et offre, dès le premier coup d’œil, une solitude qui frappe par un caractère de grandeur, et imprime une sorte de respect religieux, lors même que le souvenir de Montesquieu ne s’y mêle point […] L’eau en sortant des fossés est dirigée où l’on veut par les moyens de bonnes digues, et après avoir fertilisé les vastes prairies qui environnent le château au levant et au midi, elle se joint à un petit ruisseau qui borde ses tapis verts, et forme une promenade délicieuse, dans le genre anglais. Ces eaux réunies sont reçues dans un vivier, se précipitent ensuite par une cascade très pittoresque, et vont bientôt après se mêler à celles du grand ruisseau ».