« Je me fais une fête de vous mener à ma campagne de La Brède où vous trouverez un château gothique à la vérité, mais orné de dehors charmants dont j’ai pris l’idée en Angleterre »
Montesquieu à l’abbé Guasco, 3 juillet 1744.
Charles-Louis de Secondat naît le 18 janvier 1689, à La Brède, de l’union de Jacques de Secondat et de Marie-Françoise de Pesnel, qui lui transmettra la baronnie et le château de La Brède. Son œuvre a fait de lui un des écrivains et philosophes français les plus connus dans le monde entier.
Ses études
Au château de La Brède, Montesquieu a un précepteur puis est envoyé à onze ans au collège oratorien de Juilly, près de Meaux : on l’appelle alors Monsieur de La Brède. Il revient à Bordeaux cinq ans plus tard pour étudier le droit, car il doit hériter de son oncle la charge de président à mortier (juge) au parlement de Bordeaux. Enfin, il complète sa formation à Paris où il fréquente les milieux savants et lettrés.
Baron de La Brède et de Montesquieu, président au parlement de Bordeaux
À la mort de son père en 1713, il devient M. de Secondat et baron de La Brède, héritant de l’importante fortune foncière de sa mère ; son frère et ses sœurs ont été placés en religion pour que le patrimoine reste aux mains de l’aîné de la famille, comme on le pratique souvent dans les familles nobles. En 1715, contre l’avis de ses oncles, il épouse Jeanne de Lartigue, une protestante qui restera fidèle à sa religion malgré la révocation de l’édit de Nantes qui l’interdit ; elle est seule héritière d’une riche famille. Ils auront trois enfants : Jean-Baptiste en 1716, Marie Catherine en 1717 et Denise en 1727.
En 1716, à la mort de son oncle, il hérite de toute sa fortune, de la baronnie de Montesquieu et de la charge de président au parlement : il devient alors M. de Montesquieu. Mais la pratique quotidienne du droit lui pèse : il l’abandonne en 1726. Il se consacre plus volontiers aux lettres et aux sciences, notamment au sein de l’académie royale de Bordeaux : anatomie, sciences naturelles, grandes questions politiques et éthiques, tels sont ses centres d’intérêt privilégiés pour lesquels il écrit ses premiers mémoires.
Montesquieu, écrivain et voyageur
Dans les Lettres persanes, qu’il publie anonymement en 1721 à Amsterdam, en faisant parler des Persans qui découvrent Paris, il compose un tableau satirique de la France de la fin du règne de Louis XIV et de la Régence ; les traits les plus audacieux visent la religion. L’immense succès de cet essai qui prend la forme d’un romain épistolaire et unit les charmes de la fiction orientale, l’humour et la plus grande liberté intellectuelle, lui ouvre les portes des salons parisiens, notamment celui de l’influente marquise de Lambert, et peut-être du club de l’Entresol. Ces salons et les milieux libertins qu’il fréquente alors lui inspirent Le Temple de Gnide, roman (ou poème en prose) où s’exprime une aspiration à la liberté des cœurs et des corps, l’attrait du plaisir sans conflit avec la morale.
Libéré de sa charge de président en 1726, Montesquieu peut se présenter à l’Académie française ; les Lettres persanes, qui sont son principal titre de gloire, suscitent de fortes réserves, d’autant que l’Académie y était moquée. Il vainc toutes les résistances ; peu de temps après sa réception (1728), il parcourt l’Europe pendant trois ans, à la découverte des systèmes politiques et économiques, des mœurs, de la religion, de la culture, de la géographie des pays qu’il traverse, mais aussi, et peut-être avant tout, pour devenir diplomate. Ses ambitions sont déçues, mais riche d’observations, notamment après un séjour de dix-huit mois en Angleterre, il revient en 1731 en Bordelais. Il réside au château de La Brède et chez son frère, doyen de la basilique Saint-Seurin à Bordeaux, tout en faisant des séjours réguliers à Paris.
Penser la politique
En 1734, il publie les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence ; il fait détruire tous les exemplaires (sauf un) des Réflexions sur la monarchie universelle en Europe, trop critiques envers le pouvoir. C’est surtout L’Esprit des lois qui assurera son renom dans le monde entier. Dans cet ouvrage publié à Genève en 1748, Montesquieu établit les principes fondamentaux et la logique des différentes institutions politiques, avec pour principal objet de garantir la liberté. Cette œuvre rencontre un grand succès mais elle est aussi critiquée, notamment par les autorités religieuses, ce qui conduit Montesquieu à publier en 1750 la Défense de L’Esprit des lois. L’Europe entière n’en salue pas moins cette œuvre novatrice, qui permet de comprendre le fonctionnement des sociétés à la lumière de l’analyse politique.
Le 10 février 1755, à l’âge de 66 ans, après avoir géré activement, toute sa vie, ses propriétés et plus spécifiquement le château de La Brède et son domaine, Montesquieu meurt à Paris où il est inhumé en l’église Saint-Sulpice.
Précurseur de la sociologie, philosophe et écrivain français, Montesquieu fait partie des grands penseurs politiques du siècle des Lumières.